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21 mars 2019

Du revenu universel (ou revenu de base, ou revenu de sécurité, ou revenu minimum)

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Je suis souvent déçu par les positions caricaturales ou tout au moins rigides des détracteurs de cette idée qui ne fournit certes pas la solution miracle à tous les problèmes d’exclusion et de pauvreté mais qui a le mérite de mettre en question l’obligation de travailler dans une organisation socio-économique qui ne peut plus fournir à chacun la possibilité de se conformer à cette obligation.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la lutte contre le chômage a inexorablement échoué (pour peu qu’on croie vraiment à l’hypothèse selon laquelle il serait dans l’intérêt des gouvernants et des entrepreneurs que le chômage disparaisse).

L’idée du revenu universel attribué sans condition dépasse largement le cadre de la problématique du chômage de masse, de l’accès et du retour à l’emploi.

L’impossibilité de trouver, de conserver ou de retrouver un emploi ont depuis longtemps et surtout de nos jours pour origine des causes qui ne se limitent pas à l’offre et à la demande sur le marché du travail et au manque de qualification.

Tout le monde sait désormais que des populations entières ne trouveront ou ne retrouveront jamais de travail dans le système actuel. Aucun signe n’annonçant pour le moment un changement de ce système, l’instauration d’un revenu universel que je préfère quant à moi nommer un revenu de base ou d’urgence est donc d’actualité. Il y va de notre sécurité.

La question n’est même plus de se demander s’il faut être pour ou contre cette mesure de salut public mais de savoir au plus vite quand elle sera mise en œuvre, quelle formule sera retenue et comment elle sera financée.


L’hebdomadaire Le Un n°139 daté du mercredi 25 janvier 2017 donne, outre des analyses et des opinons contradictoires, d’intéressantes pistes de réflexion, notamment à propos du financement.

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L’économiste Daniel Cohen se dit « favorable à un revenu soumis à une condition de ressources » . Il précise que « des chercheurs de l’Institut des Politiques Publiques (IPP) de l’École d’économie de Paris sont partis de l’idée d’une fusion de l’aide personnalisée au logement (APL) avec le RSA. Cela permettrait de verser 624 euros par mois à un célibataire gagnant moins de 2000 euros. Cette mesure s’appliquerait sans aucun coût additionnel » .

Je ne cite que cet exemple parmi d’autres pour montrer que l’attribution d’un revenu de base fonctionnant comme un filet de sécurité empêchant de tomber dans la grande pauvreté n’a rien d’irréaliste.

L’idée demande juste à être examinée avec objectivité et lucidité, en dehors de tous les à-priori, préjugés et clichés moraux qui affectent la manière de penser ce qu’on appelle« la valeur travail » , comme si le travail était une valeur alors qu’il n’est qu’un moyen au service de valeurs.   

Je n'ai aucune compétence en économie mais je fais confiance aux économistes qui nous ont toujours habitués à des montages très audacieux mettant en jeu des budgets beaucoup plus considérables que ceux permettant de boucler le revenu de base ! Différentes options sont à l'étude, toutes n'ont pas le même coût pharaonique qu'on nous objecte sans cesse.

Ce que je trouve intéressant dans le revenu universel, c'est le filet de sécurité qu'il pourrait offrir. Il favoriserait l'initiative et la créativité, deux choses hors de portée si l'on commence chaque journée, chaque semaine, chaque mois avec la peur permanente de boire le bouillon.

Dans la société d'aujourd'hui, on ne peut rien assurer d'autre que la survie au jour le jour si l'on est essentiellement limité par la satisfaction (d'ailleurs de plus en plus problématique) des besoins primaires.

Je connais beaucoup de gens qui ont de réels talents dans des domaines très différents mais qui n'ont aucun moyen de tenter de les mettre en pratique parce qu'ils n'ont pas ce filet de sécurité. C'est un gâchis humain tant pour l'individu que pour la société.

Et en parlant de gâchis, je suis frappé par ce constat du philosophe Gaspard Koenig dans le journal Le Un : « Il n’est pas admissible qu’il y ait 90 milliards de dépenses sociales en France et des gens qui n’ont rien à manger. »

L’option qu’il retient est de « donner à chacun un revenu mensuel, de la naissance à la mort, sous forme de crédit d’impôt. » Et d’ajouter que cela changerait tout dans la vie des gens « qui perdent un temps fou à effectuer des démarches, sont dans une peur constante de l’administration et craignent de perdre leurs allocations. Ils échapperont à cette bureaucratie sociale humiliante pour les allocataires. »

Je partage entièrement cet avis.

Avec l’attribution d’une allocation de base sans condition qui se déclencherait dès qu’une personne se retrouverait au-dessous d’un seuil de revenu à définir, on supprimerait une grande part de ces contextes mortifères et on redonnerait une capacité d’initiative à ceux qui veulent rebondir.

En ce qui me concerne, je vais même encore plus loin dans ce raisonnement.

J’ai passé toute ma vie professionnelle dans des emplois détestés, journaliste entre autres, où j’allais au travail à reculons avec pour seuls horizons le week-end, les vacances et le jour de la paye.

À ceux qui parlent de dignité personnelle, d’intégration à la collectivité et d’utilité sociale par le travail, je réponds que je ne vois pas ce qu’on peut apporter de positif à la société et à soi-même quand on est coincé dans un état d’esprit pareil.

Quant à cette fameuse « valeur travail » dont des moralistes d'un autre âge souvent doublés de bons gros rentiers nous rebattent les oreilles, sa cote est toute relative lorsque je peux par exemple considérer que je travaille beaucoup plus en écrivant un roman ou un essai sans bénéfice financier qu’en  m’impliquant au minimum dans un emploi salarié subi.

Si le revenu de base avait existé, je n’aurais pas perdu ma vie à la gagner et j’aurais pu consacrer mon énergie et mon travail à écrire, donc à être créatif, au lieu de me disperser, de me débattre et de stagner dans des emplois alimentaires où j’étais moyen ou carrément mauvais.

Je suis bien conscient que la société n’a aucun besoin de mes dispositions pour l’écriture et de mes livres. Mais avait-elle plus besoin du mercenaire que j’étais à l’époque où je n’avais pas la chance, comme c’est le cas désormais depuis des années, de me consacrer entièrement à l’écriture ? Bien sûr que non.

En m’appuyant sur un revenu de base, j’aurais pu renforcer ce que j’avais de fort au lieu de m’épuiser en pure perte à essayer avec peine de me maintenir dans la médiocrité professionnelle, ce qui au bout du compte fut aussi préjudiciable pour moi que pour la société.

C’est pourquoi je suis persuadé que le revenu de base constituerait non seulement une réponse forte à l’urgence de la lutte contre la grande précarité mais encore une dynamique considérable pour la libération d’initiatives et de talents aujourd’hui complètement bridés par l’obsession paradoxale de s’intégrer, de se maintenir et de durer dans une organisation du travail et de l’emploi devenue une machine à exclure.

Christian Cottet-Emard

 

09 novembre 2018

Velocita, parfumeur

le grand variable,éditinter,épuisé,christian cottet-emard,aventures contemporaines,fiction onirique,couverture Gabriel Guy,blog littéraire de christian cottet-emardQuand je me perds, je m’égare vraiment pour de bon. Je ne suis pas de ces mirliflores qui racontent partout qu’ils n’ont aucun sens de l’orientation mais qui, en réalité, se débrouillent toujours pour retrouver leur chemin au bout d’une heure ou deux.

Après la fête foraine où j’ai mangé des frites avec de la mayonnaise, j’ai tourniqué dans de petites rues tortueuses et puantes qui m’ont baladé tant qu’elles l’ont voulu avant de m’expédier à l’entrée d’une place déserte avec statue équestre. Sous la statue, on pouvait prendre le métro. J’ai dévalé les marches qui descendaient vers les distributeurs automatiques de tickets et je me suis fait happer par une colonne compacte d’usagers qui s’est engouffrée dans les rames. Je me suis calé à la diable dans le sillage de corps crispés ou avachis, tous résignés à l’incessante promiscuité des villes. Chaque station expulsait ou absorbait un peu plus de ces foules canalisées dont le flux et le reflux dans les galeries semblaient rythmer les échanges circulatoires et respiratoires d’un organisme fiévreux, malsain, tendu en un perpétuel effort.

Non loin de la station Vapeur-Marquise qui dessert la gare depuis un pont aérien, j’ai entrevu avec stupeur un visage connu, noyé dans la confusion des passants, le visage de la femme aux cheveux couleur de belladone.

Je me suis extrait comme j’ai pu du métro, j’ai grimpé quatre à quatre les marches d’un escalier de métal, j’ai couru sur une passerelle rouillée, j’ai traversé des rails, j’ai sauté d’un quai à l’autre, j’ai bousculé un groupe de voyageurs en attente — elle était là, derrière eux... Encore quelques mètres... — et je me suis arrêté dans un grand vent moite qui plombait le ciel de nuages si sombres que les lampadaires de l’éclairage public se sont allumés comme à la nuit tombante.

Elle était là, la femme au cheveux couleur de belladone, figée dans un sourire de papier sous lequel on pouvait lire :

VELOCITA, PARFUMEUR.

(Extrait de mon livre Le Grand variable, éditions Editinter, 2001, épuisé. On me dit que je devrais le faire rééditer puisque j'ai retrouvé mes droits sur cet ouvrage mais j'hésite. De toute façon, on en trouve des exemplaires sur le marché de l'occasion (internet) et dans certaines bibliothèques, à la médiathèque municipale d'Oyonnax par exemple, pour les personnes de ma région qui me demandent où en prendre connaissance.)

Illustration (pour cette page en ligne uniquement) : peinture sur porte de garage à Barcelone (photo CC-E)

 

09 mai 2018

En complément de mes billets précédents à propos de l’installation de la statue de Voltaire à Oyonnax

Un texte toujours d'actualité :

Voltaire hors du temps et près de nous

par Jean Tardieu

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Détail de la statue de Voltaire à Oyonnax (Photo Ch. Cottet-Emard )

Le rôle déterminant de Voltaire, dans nos Lettres et dans notre histoire, nous impose non seulement de le célébrer, mais aussi de le relire de plus près et, en quelque sorte, d’essayer de le repenser, au nom de cette justice absolue dont il s’était fait l’inlassable défenseur.

 

Comme il arrive trop souvent, c’est la stature même du personnage qui, en provoquant des appréciations multiples et parfois nettement hostiles, a entraîné des malentendus qu’il faut à tout prix dissiper.

 

Rappelons-nous notamment les vers bien connus d’Alfred de Musset qui commencent par cette apostrophe d’outre-tombe :

 

Dors-tu content, Voltaire, et ton hideux sourire,

Voltige-t-il encore sur tes lèvres glacées ?

 

Aujourd’hui ce serait plutôt à nous de sourire d’une pareille invective ! Mieux vaut, d’ailleurs, la replacer dans le contexte du romantisme, où il était bon d’attaquer la Raison, cette véritable déesse du Siècle des Lumières et de la remplacer par un retour à des valeurs passionnelles et irrationnelles.

 

Oublions donc la boutade de Musset et, sautant de poète en poète, saluons tout de suite une de nos idoles : Charles Baudelaire, en rappelant la métaphore qu’il a imaginée pour désigner ses grands peintres préférés, en leur décernant le titre de Phares.

 

Ces Phares qui nous fascinent ou qui nous éblouissent, bien entendu, il n’y en a pas seulement parmi les maîtres de l’art pictural et si, dans l’art littéraire, il en est un qui mérite un tel titre, vous conviendrez que c’est Voltaire.

 

Son œuvre, dans son ampleur exceptionnelle, dans sa verdeur (encore intacte aujourd’hui) semble avoir été gouvernée par une seule passion, par une véritable idée fixe : la volonté consciente de faire évoluer les formes et les contenus de notre civilisation vers plus de vérité, plus de sincérité et sutout plus de justice.

 

J’ajouterai : vers plus de lumière. On aura compris que je veux, par là, évoquer la fameuse exclamation que l’on prête à Goethe sur son lit de mort : Mehr Licht. Voilà encore une de ces métaphores, un de ces grands lieux-communs qui font figure de mythes stellaires au firmament de l’histoire, même si, en réalité, il s’agissait seulement, pour le mourant, de demander que l’on ouvrît un peu la fenêtre de sa chambre !

 

Un autre mot, le plus simple celui-là, mais aussi le plus contesté, m’a toujours donné le frisson de la grandeur, c’est le mot humanité.

 

Voilà un mot qu’il faut écrire en lettres capitales ! Il fut mis au pluriel pour désigner dans son ensemble, la culture classique (les Humanités) puis, au singulier, sous l’influence des nouvelles idées sociales. De toute façon, ce terme est associé à un courant de pensée où Voltaire tient une place essentielle. Il signifie un envol irréversible au-dessus des ténèbres primitives, et surtout par-delà tous les crimes, tous les massacres, tous les supplices engendrés par l’obscurantisme.

 

Ces valeurs-là, on le sait, Voltaire les a défendues toute sa vie avec acharnement. Il est presque inutile de rappeler les nombreuses occasions où François-Marie Arouet, grand avocat des humiliés et offensés, a lutté contre les jugements impitoyables dus à l’intolérance et au fanatisme aveugle, où il a porté secours à des innocents, victimes d’erreurs judiciaires ou encore, dans un tout autre domaine, lorsqu’il a prêté l’appui de son autorité à l’entreprise libératrice et novatrice de l’Encyclopédie de Diderot menacée d’interdiction...

 

Mais quelle était donc l’arme redoutable dont Voltaire savait user avec tant d’efficacité et de discernement ?

 

Eh bien, cette arme n’était autre que son immense talent d’écrivain. La langue française était déjà, avant lui, particulièrement au point et nous avait donné déjà tant d’indépassables chefs-d’oeuvre : Voltaire l’a rendue encore plus expressive, encore plus maniable, encore plus capable de traduire, avec transparence et rapidité, un raisonnement bien construit, une véhémence bien ciblée, voire une silhouette ressemblante. De cet outil universel incomparable de communication et de persuasion, Voltaire reste et restera toujours le génial artisan.

 

Lorsqu’on parcourt cet océan de feuillets imprimés que contiennent les nombreux volumes de ses œuvres complètes (dans l’édition de Kehl créée, ne l’oublions pas, par Beaumarchais), quand on suit des yeux ce torrent de métal en fusion sorti du creuset de cet infatigable ouvrier, on est frappé par l’originalité, par la modernité de son style. Pareille à l’acier trempé, son écriture possède à la fois l’éclat, la souplesse et le tranchant d’une épée. Une épée qui ne serait pas faite pour tuer, mais pour défendre. Ce protecteur des faibles et des opprimés est dans le droit fil des anciens Chevaliers, ou de Saint-Georges, lorsqu’on voit celui-ci, dans la fameuse fresque de Pisanello, à Vérone, s’apprêter à abattre l’affreux dragon de la légende, et à sauver de la mort la princesse de Trébizonde.

 

Dès lors, l’on ne s’étonnera pas de savoir que l’influence de l’écrivain se soit répandue autour de lui et plus loin que lui, dans l’espace et dans le temps, grâce à la seule puissance de son langage écrit. Les mots qu’il emploie son des gestes. Ils sont capables de suivre instantanément, avec autant de hardiesse que de lucidité, les élans d’une intelligence toute dévouée au bien public. Ajoutons que cette vaste intelligence, il faut le souligner une fois de plus, était animée par une curiosité sans borne, par une véritable boulimie de lecture, qu’il partageait avec son amie Madame du Châtelet.

 

Je voudrais ici placer une remarque qui est une évidence, mais qui est d’importance parce qu’elle est liée à un malentendu.

 

Il s’agit surtout de l’œuvre la plus célèbre et la plus entraînante de Voltaire : son Candide, baptisé roman par l’auteur, alors que cette œuvre a pour prétexte une sorte de pamphlet idéologique.

 

Le sous-titre est, on le sait : ou l’optimisme. C’est un récit dominé par une sorte de leitmotiv sur le meilleur des mondes possible, allusions à l’harmonie universelle imaginée par Leibnitz. On en conclut parfois que Voltaire considère vraiment notre monde, tel qu’il est, comme un paradis retrouvé.

 

Là est l’erreur, car a contrario, Voltaire entend s’élever, avec une ironie très pessimiste, contre cette vision idyllique. C’est en vertu de ce que l’on appellerait aujourd’hui un humour noir que toutes les aventures survenues aux personnages principaux du livre (à Candide lui-même, à sa chère Cunégonde, à leur maître à penser le Docteur Pangloss) sont des catastrophes dont ils se tirent par une chance miraculeuse, mais qui les font passer à travers des voyages vertigineux, des massacres épouvantables et des guerres affreuses, qui prouvent à quel point de cruauté peuvent conduire la méchanceté et la perfidie de la nature humaine, sous toutes les latitudes.

 

Je terminerai cette trop brève et trop incomplète esquisse d’un portrait par le tableau presque idéal du temps où ce petit homme, qui est, en fait, un géant, exerçait sa supériorité intellectuelle avec la bonhomie (mais aussi parfois avec férocité) d’un grand bourgeois éclairé, une classe sociale qui, avant de comporter elle-même une connotation péjorative, avait encore valeur de subversion par rapport à la noblesse dominante.

 

Dans ce canton préservé de Ferney, sur ce plateau aéré et ensoleillé, entre les Alpes et le Jura, où l’intelligentsia avancée de toute l’Europe venait lui rendre hommage et peu d’années avant que son influence politique, jointe à celle de Rousseau, eut contribué à ouvrir les portes du grand chambardement de 89, ce roi sans couronne se tenait à l’abri, en marge des frontières, là où il pouvait parler sans entrave, sans être trahi par les uns, ni persécuté par les autres.

 

Finalement, ce Voltaire, qui est-il ? Un phare ? Oui, sans aucun doute. Plus encore une région de l’esprit, un mythe sauveur, en dehors du temps mais encore près de nous, une île de la pensée et la liberté. Un refuge, une falaise où l’on peut s’accrocher pour observer, en toute indépendance, pour soupirer, avec un scepticisme sans illusion, sur les malheurs du monde, quand les rivages s’effondrent et que nous craignons de faire naufrage.

 

Notes : ce texte de l’écrivain et poète Jean Tardieu est l’allocution qu’il prononça à Bourg-en-Bresse dans les salons de l’Hôtel du Département de l’Ain le 3 juin 1991 lorsque lui fut remis le Prix Voltaire créé par la revue Le Croquant. La veille, Jean Tardieu avait visité le château de Voltaire à Ferney-Voltaire.

 

Le texte de cette allocution a été publié dans le n°10 du Croquant (automne - hiver 1991) et dans mon livre consacré à Jean Tardieu : Jean Tardieu, un passant, un passeur (éditions La Bartavelle, décembre 1997). J’ignore si cet éditeur est encore en activité mais je peux préciser que mon livre est disponible dans les bibliothèques, et, pour les gens d’Oyonnax et de la région, à la médiathèque municipale d’Oyonnax, au centre culturel Aragon.

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